De jolies semaines merdiques. Gabriel l’insupportait, c’était dans ce genre de moment qu’il méprisait réellement sa décision d’avoir pris cet emmerdeur comme coéquipier. L’inspecteur était loin d’être un ignorant et il savait précisément ce que cet incapable faisait dans son dos en compagnie de Léocardie. Sauf qu’il ne pouvait rien faire outre lancer des regards sombres à l’homme et l’éviter à tout prix, histoire qu’il ne commette pas une erreur. Il avait lui-même repoussé la jeune femme. Il devait assumer qu’elle sorte avec d’autres personnes. Mais il avait réellement de la difficulté à accepter que son remplaçant soit Gabriel. Comme à chaque fois qu’il ne se sentait pas très bien, il s’enfouissait la tête sous une tonne de travail. Il fermait les yeux là-dessus, ravalait son honneur puisque de toute manière, c’était lui-même qui l’avait piétinée.

Si Léo n’était pas parvenue à le rejoindre c’était parce qu’il travaillait sur une affaire et qu’il n’était ni chez lui, ni au poste de police. Son cellulaire était évidemment en fonction mais puisqu’elle voulait seulement s’assurer qu’il n’était pas à la maison, elle n’allait qu’en même pas risque une conversation avec lui. Pourtant elle ne se rendait pas compte qu’elle allait très bientôt le revoir…

Bonjour, M. Taylor. Mon nom est Andrea. Je suis infirmière à l’hôpital général de Gotham City. Je voulais seulement vous informer que votre fille, Mlle Tegan, vient d'être hospitalisé à la suite d'un accident. Sa vie n'est pas en danger, mais elle a demandé à être déchargé malgré les recommandations du médecin. Il serait donc nécessaire de la raccompagner chez elle..

Sa fille? Il n’avait pas comprit sur le moment, mais en entendant le nom de la jeune femme tout devint rapidement très clair. Ce n’était pas le genre de situation qui lui donnait envi de se lancer dans une relation avec elle. Toutefois, le pincement au cœur et la crainte soudaine qu’il ressentit à cette annonce, malgré le fait qu’on venait de lui annoncer qu’elle n’était pas en danger , cela lui fit bien comprendre qu’il était loin d’avoir envi de l’éloigner de lui, bien au contraire. La question de l’âge et l’opinion des autres, il avait apprit à l’oublier depuis un moment déjà. Il n’avait pas perdu une seule seconde et c’était précipité à l’hôpital. Trop tard. On lui annonça qu’elle était déjà partie d’elle-même. Le médecin de la jeune femme lui expliqua qu’elle avait peut-être une commotion, qu’il était dangereux qu’elle quitte l’endroit comme cela mais qu’elle n’avait pas suivi les recommandations. Il rassura le docteur en lui disant qu’il se chargerait de s’assurer que tout allait bien pour elle, lorsqu’il l’aurait retrouvée bien sûr. Il se rendit chez elle, sans réellement se rendre compte qu’il était véritablement en colère, qu’il avait eu peur pour elle et qu’il espérait vraiment qu’elle soit chez elle. Elle n’était pas dans son appartement, mais il déboula rapidement dans la boutique de la jeune femme.

« Qu’est-ce qui te prend??! Tu fiches le camp de l’hôpital comme ça?! Et si il t’était arrivé quelque chose en route? Merde Léo!!! » s’énerva-t-il, perdant complètement le contrôle. Il était rare, même pour elle de le voir dans cet état. Lui qui se montrait habituellement calme et posé semblait réellement énervé. Il l’était effectivement. Il n’avait pas terminé « Tu crois que je l’ai pris comment cet appel?! Tu es blessée mais tu n’es pas à l’hôpital! Tu es tellement immature!! » cracha-t-il, agacé et énervé. Sauf que ce n’était pas réellement de la colère. Il y avait davantage de peur que de n’importe quoi d’autre dans sa réaction excessive. Il baissa les yeux vers sa blessure. Il s’approcha légèrement et pris quelques instants pour l’observer. Elle ne semblait pas avoir de commotion mais il comptait bien rester avec elle, qu’elle le veuille ou non.

« Qui t’a fait ça?! » demanda-t-il agressivement

Il n’y avait pas d’agressivité dirigée contre elle, il fallait comprendre qu’il était en colère contre sa blessure, contre la possibilité que quelqu’un lui ai fait du mal. Si c’était Gabriel il le tuerait. Sauf qu’il doutait qu’il ne soit capable de faire ça à qui que ce soit. Il était tellement énervé qu’il ne voyait même pas la possibilité que ce soit uniquement un accident…

Il était bien plus facile de dire qu’il était en colère, parce qu’elle s’était sauvée de l’hôpital, parce qu’elle n’avait pas attendu qu’il arrive, parce qu’elle faisait l’idiote avec Gabriel … Plutôt que de dire qu’il s’était inquiété. Que cet appel l’avait réellement effrayé. On avait beau lui avoir assuré qu’elle n’était pas en danger, il n’écoutait déjà plus. Il avait immédiatement abandonné son poste et ça, quiconque le connaissait, savait pertinemment qu’il n’y avait pas beaucoup de choses qui pouvaient l’arracher à son enquête. Lorsqu’il s’était rendu là-bas et qu’on lui avait dit qu’elle était partie, il n’était pas dupe, il se doutait bien qu’elle n’avait pas voulu le voir. Mais il avait quand même eu peur. Il était toujours inquiet d’ailleurs et cela se transformait malgré lui en colère qu’il ne contrôlait pas très bien. S’inquiéter pour une autre personne, il y avait longtemps qu’il n’avait pas eu à faire ça. Il n’écouta évidemment pas lorsqu’elle lui demanda de partir en lui assurant qu’elle allait bien. Il ne nota pas le vouvoiement d’ailleurs… Il n’écoutait pas, il n’entendait pas ce qu’elle pouvait lui raconter, il voyait noir.

« Désolé, Lieutenant Taylor, mais vous auriez préféré quoi? Que je vous place dans la catégorie conjoint peut-être? Et puis, vous n'avez pas la moindre idée de pourquoi je devais partir aussi rapidement de l'hôpital... Vos accusations vous pouvez vous les mettre ou je pense.»

Il ne dit rien, ne faisant que la dévisager alors qu’elle s’adressait à lui comme si il n’était qu’un vulgaire passant. Il ne nota pas l’insulte lorsqu’elle le traita de con et il écouta tout ce qu’elle pouvait bien lui raconter. Il n’ajouta rien, même lorsqu’elle lui montra les souliers et qu’elle lui fit bien comprendre qu’il n’y avait pas d’histoire à chercher, que c’était simplement un accident. Il s’en fichait ! Ce n’était pas ce qu’il voulait entendre. Absolument pas, elle était loin du compte. Ce n’était pas exactement le bon moment pour se moquer de lui. La patience était loin d’être là en ce moment.

« Va te faire voir ! Mais va te faire voir merde ! » cracha-t-il, complètement exaspéré. Elle n’était pas la seule à ne pas bien dormir, elle n’était pas la seule à avoir des journées merdiques. En plus de supporter d’avoir agit comme un con, il devait se coltiner Gabriel qui faisait le paon au poste de police. Il lui jeta un regard particulièrement froid et sortit à l’extérieur. Il se disait que prendre l’air lui ferait probablement du bien. Non … Ce n’était absolument pas le cas, en fait, il comprit rapidement qu’il avait seulement besoin de lui dire tout ce qu’il pensait. Il retourna à l’intérieur après quelques minutes seulement. Toujours aussi emporté.

« Tu n’es pas seule sur cette planète … Si toi tu m’as rayé de ta vie, assez pour me vouvoyer ou me traiter comme une sale merde à qui tu n’es même pas capable de rester quelques minutes de plus à l’hôpital pour lui dire Ça va Jake. Tu me fais chier, tu m’emmerdes !! gueula-t-il, à bout. Il la fixa un moment puis ajouta, visiblement exaspéré.

« Je … Je ne suis pas capable de supporter ça … » dit-t-il d’une voix basse. Changeant complètement d’attitude. Pour la première fois depuis leur première rencontre, il se montrait différent, il montrait qu’il n’avait pas toujours le contrôle sur tout, sur ses émotions, sur les gens autours de lui. Léo était une sorte de tempête qu’il ne parvenait pas du tout à gérer. Habituellement il parvenait à dissimuler ce qu’il pensait, ses envies et ses besoins. Mais aujourd’hui, la crainte qu’il avait eu en la sachant blessée … C’était une toute autre sensation.

« J’ai eu peur … Léo. » commença-t-il d’une voix toujours basse. Il poursuivit rapidement sur un autre ton, la foudroyant du regard : « Ne me fais plus jamais ce genre de truc. » cracha-t-il furieusement. Il détourna le regard et sortit de nouveau à l’extérieur. Il fit les cents pas durant un moment. Il s’arrêta finalement, lança quelques jurons puis retourna une nouvelle fois à l’intérieur.

« Tu as besoin d’aide ? … Pour monter les escaliers ? » demanda-t-il en fixant un point invisible.

Il n’avait pas l’habitude de ça, s’emporter de cette manière, que ce soit contre elle ou contre n’importe qui d’autre il n’agissait pas ainsi habituellement. Jake était le genre d’homme qui prenait tout en considération, qui n’ouvrait pas la bouche sans avoir prit le temps de songer à ce qu’il allait dire. Avec Léo, ce n’était pas toujours comme cela que les choses se passaient. Toutefois, avant aujourd’hui, il n’avait encore jamais explosé de la sorte. Un mélange de colère, de honte et de peur l’envahissait. Il jurait, il gueulait il ne comprenait absolument pas sa réaction. Il se rendait compte qu’il l’avait lui même chassé de sa vie. Sauf qu’il n’avait pas envi de ça, il ne pouvait pas la tenir loin de lui. Il avait besoin d’elle et il en prenait conscience… Sauf que c’était peut-être trop tard. Elle n’était également pas parvenue à rester calme, elle avait explosé lorsqu’il lui avait dit que tout ne tournait pas nécessairement autour d’elle. Elle le traita de lâche une nouvelle fois. Elle avait raison, il n’était qu’un imbécile.

«Moi? C'est probablement ça comme TU m'as dit que tu ne voulais plus me voir.»

« Idiote, c’est de ne pas te voir que je ne supporte pas… »

C’était dit, ce fut comme une pause dans le temps. C’était sortit, il n’avait pas prit le temps de le réprimer, de s’empêcher de dire une telle chose. C’était la vérité et voilà. Ce soir il c’était rendu compte à quel point elle était importante dans sa vie. La personne la plus importante pour lui. Cet appel, le médecin, il avait vu noir. Il n’y avait plus rien de rationnel, il y avait simplement eu la peur qu’elle soit gravement blessée, que quelque chose lui soit arrivé. Qu’il n’ai rien pu faire… Il s’était sentit tellement impuissant, tellement absent. Il baissa la tête pour fixer ses pieds un moment. Elle le rendait tellement différent, elle le rendait lâche, effrayé. Il était amoureux d’elle et cela ne pouvait pas lui faire moins peur. Il était amoureux d’une jeune femme bouillonnante, il ne savait pas comment il ferait pour la suivre mais aujourd’hui il ne voulait plus se poser de questions. Du moins, rien n’était gagné.

«Je dois encore monter au troisième.»

Il hocha la tête et il lui donna un coup de main. Il savait qu’elle ne le laisserait pas tout faire alors il était seulement là pour empêcher qu’elle ne se blesse. Ils gardaient tous les deux le silence jusqu’à ce qu’ils soient dans son appartement. Il n’était pas venu souvent, habituellement elle venait plutôt chez lui. Elle était toujours venue le retrouver, c’était la première fois qu’il venait vers elle. Si les circonstances ne semblaient pas mener vers cela, avec la blessure, c’était au contraire lui qui lui courrait après aujourd’hui, et non le contraire. C’était lui qui devait trouver quelque chose, qui devait apaiser sa colère. Il était lieutenant de police, il gérait la police de Gotham, il avait toujours été doué avec les mots, avait beaucoup d’entregent. Avec elle toutefois, c’était le vide. Il ne savait pas ce qu’il devait dire ni comment le faire. Il avait peur d’être rejeté, qu’elle lui dise de partir. Après tout, n’étais-ce pas ce qu’il avait fait auparavant ? Il lui avait demandé de quitter son appartement, il lui avait fait ce qu’il redoutait tant qu’elle lui fasse.

« Je t’aime, je suis désolé d’être aussi lâche. » dit-t-il soudainement, d’une voix sèche.
Il s’était dépêcher à le dire avant de ne plus en être capable. Il sentait son cœur battre si fort qu’il avait mal à la poitrine. Il lui jetait un regard suppliant, il avait besoin d’aide pour la suite, il avait besoin de son indulgence. Si elle le rejetait, il ne savait pas si il aurait le courage de revenir…

« Tu m’as dis d’assumer, j’assume mon amour pour toi. Il y a beaucoup de choses compliquées dans ma tête, mais je vais me charger de ça, ce que je voulais dire c’est que je ne supporte pas d’être le spectateur, je ne supporte pas d’être loin de toi … J’en ai assez d’être le foutu con incapable de te dire qu’il t’aime. Je t’aime … Je t’aime tellement que j’ai mal… »

Il n’avait pas quitté son regard tout au long de cette révélation. À la fin, sa voix c’était un peu brisé. Il avait tellement la gorge sèche qu’il ne savait pas si il serait capable de prononcer un mot de plus. Elle le connaissait assez pour savoir quel genre d’effort ce genre de discours venait de lui demander. Mais était-t-elle capable de le croire après tout cela ? Peut-être qu’il l’avait déjà fait trop souffrir …