Lorsque Jake avait quitté la cellule, il était furieux. Il y avait longtemps qu’il ne l’avait pas autant été. Frapper quelque chose inutilement, ce n’était réellement pas dans ses habitudes. Il s’était fait mal en plus. Lorsqu’il arriva chez lui il du déposer de la glace sur sa main et également sur son visage en espérant que la rougeur disparaisse un peu. Il songeait à cette rencontre avec Léo. Ils ne s’étaient pas pris la tête comme ça depuis … cinq ans, lorsqu’il avait mit un terme à leur relation. Lorsqu’il avait apprit qu’elle n’avait que dix-sept ans. Aujourd’hui elle n’était plus mineure. Mais ils avaient changés tous les deux. Ils avaient beau ressentir quelque chose l’un pour l’autre, il y avait un truc de brisé. Il se rendait compte qu’il n’avait peut-être pas pris la bonne décision. Pour lui, ça avait été impensable d’être avec une mineure. Aujourd’hui, il regrettait. Il avait bien fait quelques rencontres, mais rien comme Léo. Il avait parfois l’impression qu’il avait peur d’aimer…

La nuit fut de nouveau très longue. Il ne dormit que très peu, ayant trop de choses dans la tête. Le matin fit rapidement son apparition, le soleil transperçait les rideaux de sa chambre. Il dormait toutefois, il était parvenu à fermer l’œil si bien que le coup à la porte le réveilla en sursaut. Vu l’heure, il se doutait assez de qui cela pouvait être. Il enfila rapidement un pantalon et un chandail qui trainaient là. Il était assez dépareillé, mais elle l’avait déjà vu dans cet état. Il ouvrit la porte. Il se rendit bien compte qu’elle était là depuis un moment, elle avait presque prit du soleil… Elle ne lui donna pas l’occasion de placer un mot.

« Tu te trompes. Quand je frappe quelqu'un je ne le déteste pas nécessairement... Je me défends contre lui. Et puis... C'est comme ça que je me suis sentie. Tu ne m'as pas frappé, mais ça a eu le même effet.»

Il hocha doucement de la tête mais ne répondit pas immédiatement à ce qu’elle venait de lui dire. Il poussa la porte histoire qu’elle s’ouvre plus grandement et lança :

« Vient, tu vas manger, te laver ... on va discuter, en essayant de ne pas se frapper mutuellement, d’accord ? »

Avec la glace il avait fait disparaître une grande partie de la marque qu’elle lui avait faite. Il restait bien une petite rougeur mais ce n’était vraiment pas grand chose. Hier il était furieux du déroulement de la soirée. Là, il avait dormis un peu. Elle par contre elle avait passé la nuit en cellule. Donc elle avait grandit un peu. Il ne lui fit évidemment pas part de cette constatation mais voilà un an ou deux, elle aurait vite saisi la chance de cette cellule grande ouverte, se fichant complètement des conséquences. Elle se fichait encore d’un nombre incalculable de choses, mais elle semblait prendre conscience que malgré son statut, il ne pourrait pas lui éviter la prison si elle faisait tout pour y aller. Il lui laissa une place pour la faire entrer dans son appartement et referma derrière elle. Si elle se demandait si quelque chose avait changé depuis la dernière fois qu’elle était venue, c’était non. L’endroit était toujours aussi immaculé, mais manquait cruellement de décoration. Il se dirigea vers la cuisine et mit en marche la machine à café. Elle devait être épuisée avec les évènements d’hier et la nuit qu’elle venait de passer en cellule. Il n’aurait pas du la laisser ainsi, mais il l’avait fait.

Il lui tendit un café et sortit le nécessaire pour préparer des œufs. Plusieurs choses se bousculaient dans sa tête. Il se tourna finalement vers elle et dit :

« Je t’aime toujours, je n’ai jamais arrêté de t’aimer, même lorsque j’ai su que tu étais mineure. Je t’en ai voulu de ne m’avoir rien dit, je t’en ai voulu parce que je t’aimais toujours. C’est comme ça, tu le sais maintenant. »

Il marqua une pause, soupira puis ajouta en la regardant :

« Je m’en veux, d’être aussi idiot. »

Il reprit la conception du déjeuner. Il espérait réellement qu’elle lui dise quelque chose. Il ne savait pas ce qu’il avait envi d’entendre. Il ne savait pas également ce qu’il ne voulait pas. Il l’aurait embrassé, mais il ne voulait pas qu’elle le fasse. Il ne savait pas comment il réagirait si elle le faisait. Il aurait dû prendre sa vie en main, rencontrer quelqu’un de son âge. Il ne l’avait pas fait, il n’y parvenait tout simplement pas.

Elle était là, elle-même. Calmée. Il avait bien fait de quitter la cellule, même si sur le moment il n’avait pas été certain de son geste. Elle était devant lui et elle s’excusait même. Il ne nota pas les excuses sur le réveil. Elle l’avait réveillé, et il était content qu’elle l’ai fait. Si elle avait simplement disparue, qu’elle n’était pas revenue le voir après sa sortie de cellule, il aurait été inquiet. Il avait prit l’habitude de ne pas avoir besoin de beaucoup d’heures de sommeil de toute façon. Il devait généralement ce lever tôt et n’était pas de retour dans l’avant-midi la plupart du temps. Il lui avait tendu un café et elle fit une remarque comme quoi il se souvenait ce qu’elle prenait dedans. Evidemment qu’il s’en souvenait. Il avait cette tendance à ce souvenir des tous ces petits détails. Il en laissait passer parfois, il ne se souvenait pas de tout mais ils s’étaient si souvent retrouvés devant ce comptoir, après une engueulade ou une nuit à ne pas vraiment dormir. C’était toujours lui qui faisait à manger, et il buvait beaucoup de café. Après qu’il eu dit ce qu’il avait à dire elle approuva. Elle n’approuva pas exactement ce qu’il préférait dans son discours, mais au moins elle était d’accord sur une chose ; le fait qu’il n’était qu’un idiot. Il eu un mince sourire. Il n’était pas en colère, au contraire, si il le disait c’était qu’il le pensait, alors qu’elle le pense également… C’était comme ça.

«Je vais prendre une douche.»

Il hocha la tête et la laissa faire, s’intéressant plutôt au déjeuner. Lorsqu’elle en sortie quelques minutes plus tard elle pouvait sentir une délicieuse odeur de bacon, d’œufs et de pain rôtit. Il avait fait de belles assiettes. Il fut surprit un moment lorsque ses yeux se posèrent sur elle. Mais au final ce n’était pas la première fois qu’elle lui empruntait un t-shirt. Ça faisait juste longtemps. Il lui sourit. Voilà ce qu’il aimait, cette présence dans son appartement. Il avait beau être un homme distant et qui semblait préférer la solitude, c’était simplement une apparence, il se sentait bien lorsqu’il y avait de la vie chez lui. Il trouvait assez démoralisant cet appartement blanc et vide lorsqu’il revenait chez lui après une journée de boulot.

«Je suis désolé.»
« Je suis désolé que tu penses avoir à me faire des excuses… » dit-t-il d’une voix basse.

Il n’aimait pas cette attitude qu’elle avait avec lui. Était-t-il si effrayant ? Elle était capable de le frapper, ils s’engueulaient, ils s’aimaient. Ils partageaient assez de chose pour qu’elle n’ai pas à s’excuser à la moindre chose qu’elle lui disait. Parfois il avait l’impression qu’elle se fichait de lui, alors que d’autres jours il lui semblait qu’elle avait peur de ce qu’il pouvait penser de lui. Jake avait parfois de la difficulté à la suivre. Il déposa l’assiette devant elle et commença à manger la sienne. Il ne parlait pas, parfois il l’observait et se retenait surtout de dire à quel point il la trouvait belle en ce moment… Ils mangèrent en silence, mais ça n’avait rien de pesant, bien au contraire, en ce moment ils pouvaient tous les deux apprécier la présence de l’autre. Lorsqu’il eu terminé, et elle aussi, il récupéra les assiettes et les déposa dans le lavabo. Il resta là un moment puis se retourna vers elle.

« Je penses que tu me cache des trucs, je crois que nous n’avons jamais réellement été honnêtes l’un envers l’autre. » commença-t-il calmement, malgré l’ampleur de ses paroles. Il ne voulait pas connaître tous ses secrets, il voulait simplement en savoir un peu plus sur elle. Il était capable de jouer équitablement. Avec elle. « Je t’ai parlé un peu de ma fille hier, je ne crois pas l’avoir déjà évoquée. Mais tu sais peut-être ce qui s’est passé ? Tu dois savoir ce qu’il y a eu dans les journaux, son enlèvement par le joker. Sa mort … Ce n’est pas exactement ça, Lorsqu’elle est revenue elle était plongée dans un coma irréversible. Après près d’un an à espérer qu’elle se réveille, à devenir fou avec ma femme, j’ai demandé à ce qu’on la débranche. » dit-t-il sans broncher. C’était un détail que tout le monde ignorait puisqu’il n’avait pas été révélé dans la presse. « Ma femme ne m’a jamais pardonné cette décision, je ne l’ai pas revue depuis, un jour j’ai reçu les papiers pour le divorce. Certaines décisions sont nécessaires pour … ne pas devenir fou »

Il s’approcha doucement de Léocardie. Il dissimulait du mieux qu’il pouvait ce qu’il pouvait ressentir en parlant de sa fille. C’était la première fois qu’il en parlait. Elle était la seule à qui il s’était confié.

« Je t’ai traitée de gamine hier, mais ce n’était pas ce que je voulais dire. Il y a longtemps que tu n’es plus ça, je parlais simplement de la différence d’âge. Je crois qu’il s’est passé quelque chose. J’ai arrêté d’être un gamin lorsque mon père est mort. »

« Quand as-tu arrêtée d’être une gamine Léo ? »

«Je dis pas ça pour ce qui s'est passé ces dernières vingt-quatre heures... Je suis désolé de t'avoir menti. C'est ça que j'essaye de dire.»

Il avait simplement hoché de la tête. Il savait ce qu’elle voulait dire. La jeune femme parlait d’il y a cinq ans, lorsqu’ils avaient couchés ensemble pour la première fois. Elle lui avait semblée jeune. Très jeune. Mais elle lui avait dit être majeure. Elle n’avait pas à lui faire d’excuses, il avait été aussi idiot qu’elle. Au fond, peut-être savait-t-il qu’elle n’avait pas l’âge légal. Il l’avait peut-être simplement ignoré, parce qu’il en avait eu envi. Comme il en avait envi maintenant. Au moins, elle n’avait plus dix-sept ans. Mais il avait également cinq années de plus… Ce n’était plus mal. Mais que pouvaient-t-ils construire sur cette base là ? Dans quelle direction allaient-t-il ? Si dans une dizaine d’années elle voulait des enfants ? Il était clair que ça ne pourrait pas fonctionner. Elle avait besoin d’une personne plus jeune et lui de quelqu’un de son âge. Sauf que lui-même avait de la difficulté à le croire sincèrement.

« Je sais … » répondit-t-il simplement.

Après lui avoir raconté son histoire, elle n’eut pas de réelle réaction autre que ce qu’il pouvait lire dans ses yeux. Elle avait prit la bonne décision en ne le serrant pas contre lui ou en ne s’avançant pas davantage sur l’histoire de sa fille et de sa femme. Il n’aurait pas apprécié la tournure. Il serait rapidement devenu nerveux, plus distant. Il n’était pas le genre d’homme qui appréciait que l’on s’apitoie sur son sort. Il n’avait pas cherché à la rendre malheureuse ou a éveiller de la pitié chez elle. Non. Il voulait se montrer honnête. Il voulait qu’elle lui parle, qu’elle se confie. Il se rendait compte qu’il ne savait pas grand chose sur elle, bien qu’évidemment il avait un dossier la concernant. Il ne savait rien de la jeune femme, ce qui la rendait heureuse ou malheureuse, il savait vaguement qu’elle avait un certain pouvoir mais il n’avait jamais cherché à en savoir plus. Il n’était pas prêt à l’époque. Pas après avoir été arrêté pour s’en être pris à un superhéros. Aujourd’hui, c’était une autre affaire. Il n’avait rien contre elle comme il n’avait pas une dent contre tous ceux qui présentaient des pouvoirs spéciaux… Il croyait au contraire que la ville avait bien besoin de ceux qui voulaient aider. Mais Jake croyait simplement que lui, il n’en avait pas besoin. Qu’il ne voulait plus jamais avoir à compter sur personne.

Elle se mit soudainement à rire. Il tourna légèrement la tête sur le côté. Cela n’avait rien de sincère, il était plutôt nerveux. Mais il n’apprenait rien. Si le fait d’être traitée en gamine la rendait furieuse, il y avait une raison. Elle l’avait frappé pour cela. Elle ajouta qu’elle n’avait jamais été jeune. Il ne broncha pas. Elle ajouta ensuite qu’elle ne savait pas vraiment. Elle lui sembla sincère. La jungle, sa mère. Il était évident qu’elle n’avait pas eu la vie facile. Lui il ne pouvait pas se plaindre de son enfance. Elle avait été joyeuse même si son père était mort assez jeune. Il n’avait pas eu le temps de s’apitoyer sur son sort, il avait du prendre soin de sa mère alors qu’il n’était encore qu’un gosse. Mais il avait été heureux avec elle. Ce n’était rien comparé à ce qu’elle avait pu vivre. Il ne disait rien, il n’avait jamais été un grand bavard et était plus le genre d’homme à analyser les informations avant de parler. Léo savait généralement comment faire pour le ramener vers elle. Délicatement, elle posa une main sur son visage. Sur sa joue et plus précisément à l’endroit où elle l’avait frappée. Il eu un mince sourire. Ils restèrent ainsi un moment, jusqu’à ce que Jake ce décide à ouvrir la bouche.

« Je veux savoir maintenant, je veux te voir l’utiliser. »

Il ne savait pas si cela allait l’offusquer. Ce n’était pas son but. Ce don qu’elle avait, il faisait partie d’elle et il avait toujours été distant là-dessus. Il ne savait pas bien si c’était la peur, si c’était l’inconnu. Non, ce n’était pas ça, c’était ce ressentiment à l’égard des superhéros qui ne le lâchait jamais. Il ne savait pas bien comment il réagirait si elle décidait de lui faire une démonstration. Il en avait simplement besoin. Il ne savait pas si elle comprendrait qu’il faisait un effort, un véritable effort pour la respecter pleinement, et que ça lui demandait gros. Cela pouvait sembler banal, il ne la comparait pas aux autres, mais c’était bien encré en lui, cette aversion, cette crainte … Il embrassa délicatement sa main et la retira de sur sa joue. Il ne lâcha toutefois pas cette dernière.

« Léo, c’est moi qui est désolé. »

Il baissa les yeux. Il quittait rarement le regard des autres et elle devait le savoir. Il ne lui en voulait pas de lui avoir mentit. Il s’en voulait d’avoir eu peur, d’avoir été lâche et de ne pas être resté auprès d’elle.
Il s’excusait, mais il restait le même homme lâche qui ne savait pas si il était capable de rester auprès d’elle. Il s’excusait sur le passé, mais également sur le présent.

Il savait qu’elle n’était pas une femme ordinaire. Il l’avait presque toujours su. Aujourd’hui, il faisait un pas vers elle. Auparavant il avait toujours ignoré ce détail. Fermant les yeux sur ce qu’elle était capable de faire. Voilà cinq ans, Jake savait pertinemment qu’il n’était pas assez fort mentalement pour supporter une démonstration. Tout se passait dans sa tête. Il était parvenu au fil des années à comprendre un minimum ce qui lui arrivait. Pas tout. Il lui restait certaines parts d’ombres qu’il devait parfois analyser. Aujourd’hui, il devait avoir l’esprit analytique vu ce qu’il demandait à la jeune femme. Il exigeait de lui l’impossible. Il ne la repousserait pas, vu qu’il savait déjà. Ce qu’il ignorait c’était sa réaction, lorsqu’elle lui ferait une démonstration. Jake était parvenu à faire la paix avec lui-même. Il était capable de parler de sa fille sans s’effondrer. Il y avait toujours ses cauchemars qui revenaient le hanter mais il n’était plus l’homme qu’il était voilà cinq ans. Il avait fait beaucoup de chemin. Il avait beau avoir une certaine aversion contre ceux qui se disaient des superhéros, il n’était plus dangereux pour qui que ce soit. Il devait simplement se combattre lui-même. Il le faisait, à tous les jours.

L’on pouvait dire qu’il était amoureux de Léocardie. Il n’avait rencontré personne d’autre et il ne cherchait pas à le faire. Il ne pouvait pas s’y résoudre. Il avait essayé de se tenir loin d’elle. Aujourd’hui encore ils n’étaient pas ensemble et il ne pouvait pas dire si ils le seraient un jour. Ils faisaient un pas en avant. Puis deux en arrière. Ils avançaient si lentement qu’il lui avait fallu tout ce temps pour lui demander de lui faire une démonstration. Pour qu’elle lui parle de ses pouvoirs, de ce qui faisait partie d’elle. De son côté, il lui avait fallu tout ce temps pour lui parler de sa fille. Alors qu’elle avait dormis à ses côtés, qu’elle l’avait entendue faire ses horribles cauchemars. Elle avait toujours respecté le fait qu’il ne voulait pas en parler. Il voulait respecter ce qu’elle était. Il devait le faire. Au départ, elle ne lui sembla pas parfaitement à l’aise avec l’idée de lui montrer. Elle devait avoir peur de sa réaction. Il ne pouvait pas réellement la rassurer là-dessus puisqu’il ne la connaissait pas cette réaction. Le lieutenant qui avait habituellement toutes les cartes en main se retrouvait bien démuni. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il allait dire ou faire lorsqu’elle lui aurait montré. Elle le fit reculer doucement en posant une main sur son torse. Sa main se glissa ensuite dans la sienne qu’il serra brièvement, il se voulait encourageant. Il voulait sincèrement qu’elle le fasse. À la surprise du policier, elle alla récupérer ce petit cactus qu’elle lui avait offert. Il n’avait jamais réellement eu le pouce vert et elle avait fait un bon choix en lui offrant cette plante qui n’avait pratiquement besoin de rien.

«Tu sais quand je te l'ai offert j'ai dit qu'il n'avait pas besoin de beaucoup d'eau, mais il en a de besoin de temps en temps.»

Il se sentit soudainement bien embêté sur l’état du cactus. Il ne voulait pas qu’elle pense quoi que ce soit. Il l’avait arrosé, puis … il avait oublié. Si il n’y avait pas de plantes dans son appartement c’était justement parce qu’il avait la tête ailleurs et qu’il ne voulait pas être le meurtrier de l’espèce végétale. Au début, elle s’en occupait lorsqu’elle venait le voir. Puis, lorsqu’ils se voyaient moins, il avait vite oublié la petite plante.

« Au moins tu ne m’as pas fait plusieurs cadeaux de ce genre… » dit-t-il d’une voix basse, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

Il la taquinait, ils n’étaient pas du genre à s’offrir des cadeaux, tous les deux. Au moins elle avait comprit qu’il ne faisait pas exprès, il n’avait simplement pas la tête à s’occuper des plantes. Il l’observa alors qu’elle s’occupait du malade. Il se gratta la tête, toujours ennuyé d’avoir laissé ce pauvre cactus agoniser. Il redevint plus sérieux lorsqu’elle commença à lui expliquer. Elle restait vague, comme si elle voulait le préserver. C’était certainement une bonne technique. Il hocha lentement la tête. Il comprenait la partie scientifique, et le reste, c’était en elle … Elle prit ensuite le pot et toucha la plante refermée. Elle le taquina sur le fait qu’il l’avait maltraité mais il ne broncha pas. Ce n’était plus de la rigolade. Son regard ne quitta pas la fleur qui, fermée au départ, s’ouvrit lentement, comme si c’était difficile, douloureux même. Puis elle resta ouverte, resplendissante. Il la regarda un moment puis tourna les yeux sur Léocardie. Fermé.

« C’est joli tout ça, mais ça me semble bien inutile. »

Il prit une grande inspiration. Il n’avait pas bougé, n’avait pas reculé et était capable de la regarder dans les yeux. Il était clair par contre que certaines émotions se livraient une bataille à l’intérieur de lui. Il s’était adressé à elle d’un ton sec, plus sèchement qu’il ne l’avait voulu.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire, c’est beau, mais je ne crois pas que ce soit utile d’une autre façon que de préserver la beauté. Mais je me trompe, c’est utile de toutes sortes de manières non ? Tu parles … Tu parles de toxines. Si j’entre dans cette serre sans toi Léo, que va-t-il m’arriver ? »

Il connaissait déjà en partie la réponse.

« Ça, je suis capable de le supporter. Parfaitement même. Mais tu te retrouves dans une de mes cellules trop régulièrement pour que ce ne soit que cela. »

Il prit une deuxième inspiration et reprit la main de la jeune femme dans la sienne. Il baissa les yeux vers sa main. La serra doucement et lança :

« Si tu continues, je ne sais pas. Je ne sais pas comment je vais réagir. Tu n’auras qu’à me rappeler que je suis un grand garçon et que je dois assumer mes choix. »

Il lui sourit doucement. Il lui donnait le feu vert. Si elle voulait continuer, bien sûre après ce qu’il lui avait dit. Il savait, il n’avait rien d’un imbécile. Elle n’était pas armée, elle se retrouvait en cellule pour s’en être prit à des hommes plus forts qu’elle. Il n’était pas dupe. Mais il voulait que cela vienne d’elle. C’était pourquoi il n’avait jamais poussé les recherches.

Il eu un léger sourire lorsqu’elle lui avoua que c’était pour cette raison qu’elle ne lui avait pas laissé la moindre plante. Enfin, en dehors de ce cactus qui ne demandait que très peu d’entretient. Il avait échoué là-dessus, si elle lui avait laissé autre chose, son appartement serait envahi de cadavres de plantes…
Elle ne lui sembla pas apprécier le ton qu’il venait d’employer. Disons qu’il ne se montrait pas toujours le plus doux du monde. Elle s’énerva rapidement d’ailleurs, lui rétorquant sur le même ton qu’il venait d’employer qu’il se trompait royalement. Il hocha la tête. Il comprenait vraiment, sauf que lui n’était pas passionné par les plantes. Sauf qu’il était capable de comprendre ce que cela représentait pour elle. Elle se calmait. Il n’avait pas voulu l’offusquer, mais il ne comprenait pas exactement l’étendu se ses pouvoirs. Il avait l’impression qu’elle le ménageait un peu trop. Il s’était tout de même préparé mentalement à un peu plus que cela. Elle lui expliqua ensuite que son appartement n’était pas réellement l’endroit rêvé pour lui faire une démonstration de son don. Qu’elle comptait plutôt l’apporter dans sa serre et la suite lui fit esquisser une grimace.

« Je n’ai pas réellement envi d’entrer dans ta serre vu la description que tu m’en fais. Je suis un flic je n’irai pas dans un endroit dont je n’ai pas le contrôle. » dit-t-il d’une voix basse.

Au moins il en était conscient. Jake savait parfaitement qu’il aimait tout gérer qu’il préférait tout savoir. En fait, l’unique personne dont il n’avait pas le contrôle, c’était certainement Léocardie. Elle se montrait fougueuse, et en cinq ans, ils n’avaient jamais parlé de ses pouvoirs. Il apprenait lentement à la connaître et il se rendait compte qu’elle n’était pas totalement ce qu’elle était avec lui, par respect. Et elle avait fait le bon choix, elle l’aurait effrayé sans aucun doute.

«D'accord. D'accord. Je vais te montrer pour la phéromone, mais je tiens à dire que je suis pas certaine de comment tu vas réagir. Je l'ai jamais utilisé sur toi et surtout... Je l'ai jamais utilisé sur quelqu'un qui avait déjà une... un... On va dire "attraction" pour moi.»

Il n’eut aucune réaction. En vérité, il ne lui était jamais venu à l’esprit qu’elle puisse utiliser ses pouvoirs sur lui. Maintenant qu’elle en parlait… Non, il ne pouvait simplement pas le croire. Il parvenait à penser normalement, il ne lui semblait pas lui manquer quoi que ce soit. Mais après tout, ce ne devait pas être si simple de s’en rendre compte. Il n’avait pas la moindre idée de ce qui allait se passer. D’ailleurs il se demandait si il allait réellement s’en rendre compte. Peut-être que oui parce qu’il savait précisément qu’elle allait le faire. Il la fixa étrangement lorsqu’elle répéta ce qu’il avait dit auparavant. Devait-t-il ressentir quelque chose en particulier ? Sans prévenir, il approcha son visage du sien et il l’embrassa. Il ne ressentait rien de différent qu’à l’habitude.
Rien de différent. Il recula. Il était confus. Ce baisé, il venait de l’embrasser. Il en avait continuellement envi, il ne lui semblait pas en éprouver davantage l’envi à cet instant. Il glissa une main dans sa figure, il était agité soudainement.

« Tu es bien certaine … de n’avoir jamais utilisé ça sur moi ?! »

Il paniquait légèrement. Toutefois il la croyait lorsqu’elle lui avait dit de n’avoir jamais usé de son pouvoir sur lui. Elle avait même ajouté qu’elle ne l’utilisait pas sur les gens qui ressentaient une attirance pour elle. Il prit une grande inspiration. Elle l’avait simplement poussé à faire une chose dont il avait eu envi. Si il n’avait pas été amoureux d’elle, s’aurait certainement été différent. Il se calma légèrement, mais était toujours sur la défensive.

« Ne me répond pas, je te crois d’accord ? Je te crois. C’est simplement … Troublant. » il marqua une pause et lança, tout en la fixant dans les yeux : « J’assume … »

Pour une des rares fois dans sa vie, il avait besoin de parler de ce qu’il venait de vivre. Jake était un être extrêmement taciturne. Il fallait généralement lui tirer les mots de la bouche. Mais aujourd’hui, après ce qu’elle venait de lui faire vivre, il avait besoin de discuter avec elle. Il avait besoin de bien comprendre ce qui venait de lui arriver.

« Ok, et bien, je viens de t’embrasser. Je ne l’aurais probablement pas fait si tu ne m’avais pas envoyé de phéromones. Mais j’en ai envi depuis que tu as poussé la porte de mon appartement ce matin. » commença-t-il en rougissant légèrement. Disons qu’il n’avait pas prévu lui dire qu’il avait envi de l’embrasser continuellement et plus que cela. Il parvenait généralement à se retenir. Il la trouvait déjà magnifique, il l’aimait déjà. Mais lorsqu’elle avait utilisé son don sur lui, c’était comme si c’était tout simplement impensable qu’il ne le fasse pas. Toutefois, il doutait qu’elle soit allée au bout de son pouvoir. Sinon ils seraient déjà en train de faire l’amour sur le comptoir de la cuisine, puisqu’il en avait également envi…

« Tu m’as épargné, parce que j’ai envi de bien plus que ça… » dit-t-il d’une voix basse. Elle le connaissait assez pour savoir qu’il ne disait pas ce genre de chose. Elle ne devait même pas savoir qu’il le pensait. « Ce sont des choses dont j’ai envie, mais tu serais capable de me faire exécuter une chose qui ne me plairais absolument pas ? Quelque chose que je ne ferais pas habituellement ? » demanda-t-il sérieusement. Il était flic, la curiosité prenait le dessus. Il n’était pas réellement choqué, peut-être vu la façon dont elle s’y était prise. Mais il avait ressentit une certaine crainte, il ne pouvait pas se mentir là-dessus.

Le lieutenant Taylor n’avait pas toujours eu cette aversion pour les superhéros. Au contraire puisqu’Élizabeth avait elle-même un pouvoir. Elle pouvait lire brièvement dans les pensées. Elle lui avait toujours assuré de ne jamais l’utiliser sur lui. Sauf durant les dernières semaines de l’enlèvement et avant qu’il ne débranche leur fille. Elle avait tout vu dans sa tête, elle s’était transformée, était devenue complètement incontrôlable. Leur couple n’avait évidemment pas survécu puisqu’elle ne détestait certainement personne d’autre autant que lui. Aujourd’hui encore, il se demandait si il avait prit la bonne décision, si sa fille ne serait pas vivante aujourd’hui si il n’avait pas fait ce choix. Il savait aussi que lui il serait probablement mort ou complètement fou, détruit par l’attente, l’espoir vain. C’était précisément ce que le Joker avait voulu, il l’avait déjoué en débranchant sa fille. Sauf qu’il devait s’en convaincre à tous les jours. Ce que Léocardie venait de lui montrer lui faisait quelque chose malgré ce qu’il laissait voir. Il était troublé, perdu mais également touché qu’elle lui fasse confiance. Il savait que ce ne devait pas être facile, qu’elle avait certainement peur de sa réaction. Il se contenait réellement, il se retenait de ne pas lui demander d’arrêter. Sa curiosité de flic prenait le dessus de toute manière. Il était entré, il ne pouvait plus ressortir, il devait savoir ce dont elle était capable. Il avait décidé de lui montrer à quel point il lui faisait confiance en lui faisant part de certaines choses … Qu’il n’avait pas l’habitude de partager disons. Il venait de lui parler de ce qu’il ressentait lorsqu’il la voyait, l’envie qu’il avait éprouvé en la voyant devant sa porte. Il était amoureux de Léo, sauf que tout était tellement compliqué. Pour lui évidemment. Il rougit légèrement lorsqu’elle sourit face à ses révélations. Il eu également un bref sourire.

«Pour les cinq prochaines minutes, je peux te faire faire ce que je veux.» elle marqua une pause et prit sa main, il serra la sienne. «Je pourrais te demander de te jeter d'une de tes fenêtres et tu le ferais, mais c'est pas ce que je veux...» Il eu un mouvement de recul. Il savait qu’elle ne ferait pas une telle chose, mais c’était tout de même un truc inquiétant. Il se demandait si réellement elle pouvait le pousser à se rendre jusque là. Il n’y avait pas une manière de se battre contre cela ? Disons que si elle disait la vérité, c’était prochainement une recherche qu’il aurait à effectuer. Si il n’avait pas peur de Léo et qu’il savait qu’elle ne lui ferait pas plus de mal qu’une gifle ou ce que sa force physique lui permettrait, il y avait des gens plus dangereux que cela dans cette ville. Il en avait déjà eu l’expérience.

«Fait moi l'amour, Jake.»

Il se jeta sur elle. C’était naturel dans sa tête, c’était une envie qu’il ne pouvait pas repousser. Pourtant, il était sous son contrôle et il ne se rendait compte de rien. Dans sa tête, c’était une envie qu’il venait d’éprouver, c’était un besoin vital. Alors que c’était tout autre. Voilà l’étendu de son pouvoir. Si elle lui faisait toujours faire quelque chose dont il avait envi, il ne l’aurait pas fait. Il n’aurait jamais été capable de ce jeter sur elle de cette manière, d’y aller aussi agressivement comme si il n’était qu’un vulgaire animal. Sauf que c’était également comme si son cerveau était vide. Il ne se posait pas de questions, ne prenait pas réellement le temps de comprendre ce qui lui arrivait. À un moment, elle le repoussa et lui ordonna d’aller prendre l’air à la fenêtre. Il ne se sentit pas frustré, il ressentait également le besoin de faire ça. Sans émettre la moindre résistance il se rendit jusqu’à la fenêtre. Il y resta un moment puis l’effet se dissipa. Il se souvenait de tout. Si il comprenait, c’était uniquement parce qu’il avait voulu cette situation. Il ne se retourna pas immédiatement vers elle. Il glissa ses deux mains dans son visage. Maintenant ses émotions se bousculaient. Il prit une grande inspiration puis il s’approcha d’elle lentement. Avec la même lenteur il approcha sa bouche de la sienne et l’embrassa. Il poursuivit ce qu’il avait commencé alors qu’il était sous son emprise.

« Je t’aime … Je t’aime terriblement … » lâcha-t-il dans un souffle. Il était épuisé, vidé, et il était encore tôt. Il la désirait tellement. Il y avait longtemps qu’il ignorait ses envies. Arrêter ce qu’elle avait commencé lui demandait trop d’efforts. « Mais si tu t’avises d’utiliser tes pouvoirs sur moi … Qu’importe la raison, je te ferai enfermer … » dit-t-il avec un mélange de peur et de colère. Il ne pourrait pas supporter qu’on le contrôle, ça jamais. Mais ça, elle le savait déjà. Il continuait de l’embrasser tout en entreprenant d’enlever le reste de ses vêtements. Il avait envi de lui faire l’amour, et il savait, était persuadé qu’elle ne le contrôlait pas actuellement. C’était lui qui en avait envi.

Il avait envi d’elle, il avait toujours eu besoin d’elle. Sauf que c’était plus compliqué que cela. Il avait plus de tenue que cela. D’aussi loin qu’il se souvenait, il avait toujours été un homme pour qui la justice, la droiture était ce qu’il y avait de plus important. Lors de l’enlèvement de sa fille, les évènements se bousculaient dans sa tête. Il ne comprenait plus ses réactions, ses besoins. Non, enfin il comprenait. Le seul besoin qu’il avait eu à ce moment là c’était de retrouver sa fille saine et sauve. Lorsqu’elle lui était revenue, elle n’était pas saine, ni sauve. C’était pire que la mort. La mort aurait signifié la fin, plus d’attente, plus d’espérances. Le Joker ne lui avait évidemment pas fait ce cadeau là. Il y avait mit un terme lui-même. Déjouant ainsi les plans du Joker, ne devenant pas fou par la même occasion. Toutefois, jamais dans toute sa vie il n’avait eu à faire quelque chose d’aussi difficile et douloureux. Cette douleur lui revenait à tous les jours. L’impression de manquer d’air, une douleur à la poitrine. Il ne se passait pas une nuit sans qu’il ne la ressente. Enfin, c’était faux. Il y avait des nuits qui s’étaient passées sans douleur. Lorsque Léo était là, avec lui. Il y avait longtemps maintenant. Il l’avait repoussé lui-même, comme il repoussait systématiquement toutes les personnes qui entraient dans sa vie. Était-ce réellement l’âge qui le dérangeait ? C’était un facteur. Aujourd’hui elle était majeure, rien ne l’empêchait de faire l’amour ou même de vivre avec elle. Tous les jours il se montrait fort, imperturbable. Léo était celle qui parvenait à percer ses barrières. Celle qui pouvait le gifler sans qu’il ne réplique, celle qui le rendait tellement faible … Après autant d’années à vivre seul, à ne se confier à personne, elle lui faisait tellement peur.

Son cœur battait à la chamade. Ce qu’elle venait de lui montrer, de faire avec lui, son corps, son esprit n’avait pas le moindre sens. Elle pouvait l’utiliser comme une vulgaire poupée. Plutôt que d’avoir peur ou d’être en colère, il ressentait autre chose, quelque chose d’inconnu pour le lieutenant de la police de Gotham. Ça n’avait aucun rapport avec la démonstration. C’était elle. Il était amoureux et il ne savait plus ce qu’il devait faire. Devait-t-il tout arrêter maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, ou bien pouvait-t-il continuer ? Alors qu’il était près d’elle, Jake ressentit rapidement l’hésitation chez la jeune femme. Elle avait peur de souffrir et lui aussi. Elle lui laissait l’occasion de prendre une décision. Il pouvait encore tout laisser tomber. Lui redonner son chandail et s’écarter d’elle. Toutefois, il en était incapable. Elle lui avoua en avoir en envi, mais qu’elle ne supporterait pas si il avait des regrets par la suite. Il fit une pause. Prit un instant puis posa délicatement une main sur le visage de la jeune femme, caressant sa joue, puis ses cheveux.

« Je n’ai jamais eu de regrets. De la stupidité oui, mais pas des regrets. J’ai apprécié chacune des minutes passées en ta compagnie. Ce que j’ai toujours regretté, c’est lorsque j’y mettais un terme. » dit-t-il en encrant son regard dans le sien. Il était sincère, elle ne pouvait pas en douter. Elle savait également qu’il ne mentait pas et qu’il ne parlait pas pour rien dire.

Sauf qu’il ne savait pas si il était prêt pour ça. Si il n’était pas le genre d’homme qui appréciait les histoires d’un soir, il ne pouvait pas offrir davantage à Léo. Ce n’était pas son âge, ce n’était pas elle. Il avait toujours été ainsi. Il ne vivait que pour son boulot, ne s’imaginait absolument pas entrer dans une nouvelle relation. Il n’avait plus été en couple depuis la mère de sa fille. Il ne savait même pas comment faire. Ensuite, que voulait réellement la jeune femme ? Disons que Jake n’était pas le genre d’homme à songer uniquement au moment présent. Un tas de choses se bousculaient dans sa tête. Il lui tendit son chandail. Chandail qui était le sien d’ailleurs. Il avala difficilement, il se montrait plus doué lorsqu’il était question d’une arrestation, lorsqu’il enfilait le costume de flic. Lorsqu’il portait le costume de Jake Taylor, c’était une autre affaire.

« Tu devrais partir. » dit-t-il en baissant les yeux.

Il ne voulait pas qu’elle parte. Il ne voulait pas qu’elle l’écoute. Il l’avait dit, c’était sa stupidité. Voilà le genre de regret qu’il avait. Il ressentait une sorte de pincement au cœur. Il repoussait systématiquement tous ceux qui voulaient se rapprocher de lui. Léocardie était certainement celle qu’il repoussait le plus. L’amour, la proximité lui faisait terriblement peur. Ce n’était rien contre elle. Plus maintenant. Il n’avait plus de raisons de lui dire de partir outre ses vieux démons.

Il n’avait pas besoin de l’entendre parler pour savoir qu’elle était en colère. Elle bouillonnait de l’intérieur et c’était parfaitement compréhensible. Léo était amoureuse de lui, Jake l’était également. Où était donc le problème ? C’était ça le problème pour le lieutenant Taylor. L’amour. Il était loin de s’imaginer qu’au même instant, ils partageaient tous les deux un souvenir. Pas le même, mais tout de même semblable. Lui, c’était un bourreau de travail. Il n’arrêtait jamais. La nuit, il songeait parfois à des choses qui lui avaient échappés durant la journée. Il se réveillait, se levait et allait feuilleter ou noter des choses dans ses dossiers. Voilà plusieurs années toutefois, il n’avait pas toujours été seul dans son lit. Une jolie jeune femme venait parfois s’y faufiler. Avant qu’il ne connaisse réellement son âge toutefois. C’était l’une de leurs premières nuits ensemble. Il s’était évidemment réveillé en sursaut. Il s’était rapidement dirigé vers son bureau, et avait noté ce qui avait surgit dans son esprit. Léo avait certainement été réveillée par son escapade nocturne puisqu’elle se trouvait dans l’embrasure de la porte lorsqu’il releva la tête. Après ce genre de réveil, il ne dormait jamais très bien par la suite, ayant davantage envi de mijoter la nouvelle information que de fermer l’œil. En fait il allait toujours manger un truc.

« Tu as faim ? » demanda-t-il simplement à la jeune femme qui sembla amusée par la question de son amant. Mais elle le suivit jusqu’à la cuisine et il sortit quelque chose qu’elle n’imaginait certainement pas qu’il y aurait dans la cuisine de l’inspecteur. « Ne te moque pas, j’ai toujours envi de manger, lorsque je me réveille la nuit, un de ses truc trop sucré et rempli de produits chimiques dont tu dois t’empiffrer régulièrement non ? » demanda-t-il d’un air amusé. Il venait de sortir deux « pops-tarts » qu’il mit ensuite dans le grille-pain. Ce qui était surprenant c’était que ses armoires étaient remplies de truc santé, il préparait toujours soigneusement les repas, faisait attention à son alimentation. Mais la nuit, il se réveillait pour aller manger ce genre de choses. Elle venait de faire un pas dans son univers. Elle avait pu retournée dormir au levé du soleil alors que lui retournait déjà au boulot. Ils avaient passés des heures à discuter de tout et de rien, le genre de chose que Jake ne faisait pas très souvent.

Lorsque Jake reposa les yeux sur une Léocardie bouillonnante de rage, il ne trouva rien de mieux que d’afficher un mince sourire. Elle ne se rendait pas compte de tout le bien qu’elle faisait à son petit univers bien rangé. Elle le bouscula et il perdit rapidement ce sourire. Elle entreprit de se rhabiller rapidement, ses gestes se faisaient saccadés, énervés. Il baissa les yeux sur ses mains qui tremblait et il eu une sorte de pincement au cœur. Il créait tout ce malheur chez elle. Le mal qu’il se faisait, il lui infligeait également. Il ne croyait simplement pas qu’elle tenait autant à lui qu’il tenait à elle…

«Je te comprends pas. Tu peux pas parler sans te contredire. Tu regrettes rien... Sauf quand tu y mets fin. Tu m'aimes, mais tu me veux pas alentours. J'avais raison finalement... Pendant cinq ans, j'ai cru que tout ça c'était moi qui l'avait imaginé... Tu sais... Les hormones d'adolescente amoureuse... Je le crois encore. Si tu m'aimais tu me demanderais pas de partir.»

Il ne répondit rien. Elle faisait fausse route. Il l’aimait tellement que cela le rendait malade. Il était amoureux d’elle et il ne savait pas comment lui dire. Il était tellement perdu qu’il préférait fuir plutôt que de se montrer courageux. Ce n’était pas une scène de crime mais bien de son cœur dont il était question, et ça, il n’y connaissait vraiment rien. Il croyait qu’elle allait partir, mais elle n’en fit rien. À son grand étonnement, elle alla plutôt prendre place sur le sofa. Elle voulait des explications. Il eut l’impression de recevoir une nouvelle gifle au visage. Il devait expliquer quelque chose qu’il ne comprenait pas lui-même.

« Ok, alors vient dans la salle à manger. » dit-t-il d’un air sérieux. Enfin, l’air qu’il avait la plupart du temps sur le visage. Il s’y rendit sans réellement l’attendre mais lorsqu’elle fut près de lui il sortit deux pop-tarts qu’il mit dans le grille-pain. Elle devait certainement se souvenir de cette nuit-là. Ils allaient parler, comme ils l’avaient fait dans le passé. Il la fixa un moment, puis se décida finalement à parler.

« Je crois que … Je chasse de ma vie systématiquement tout ce qui ne peut pas tenir dans un dossier… Tu es toi Léo, imprévisible, spontanée … Tout ça, c’est ce que j’aime chez toi. » commença-t-il difficilement. Elle savait bien qu’il n’avait pas l’habitude de dire ce qu’il avait sur le cœur. « Aujourd’hui je vois que j’ai envi de toi, aujourd’hui je t’aime et je sais que je t’aimerai toujours. Demain je vois des choses que tu auras envie de faire parce que tu es jeune. Demain je vois que tu voudras des enfants et que je n’en veux pas. Je vois des voyages que je ne voudrai pas faire, des idéaux que je ne partage pas … Je veux te faire entrer dans ma vie, mais tu ne peux par retirer mon passé, ni mon travail de flic. Dans mon passé il y a une femme, il y a une fillette que j’ai dû tuer. Il y a …

Il baissa les yeux. Il savait que ce qu’il allait ajouter la ferait probablement fuir.

« Il y a beaucoup de haine envers ceux qui ont des pouvoirs et qui ne me sont pas venus en aide… »

Inconsciemment, il avait de la difficulté à l’aimer entièrement. Ça, il ne parvenait pas à l’assumer. Il fixait le comptoir, incapable de la regarder dans les yeux.

Il la faisait passer des larmes à la colère. La voir ainsi, ce lui était tout simplement insupportable. Pourtant, c’était bien lui qui lui faisait autant de mal, qui la mettait dans cet état. Il s’en voulait terriblement. C’était dans ce genre de situation qu’il voudrait être assez fort pour partir, pour ne pas rester auprès d’elle. Il aurait voulu qu’elle rencontre quelqu’un d’autre. Il était tellement attaché à elle, il avait envi d’elle, il adorait plus que tout au monde ses moments passés en sa compagnie. Pourtant, il ne faisait que la repousser, encore et encore. Il fixait un point invisible sur le sol alors qu’il l’entendait pleurer. Tout ça n’avait aucun sens, il n’avait pas la moindre raison valable d’agir ainsi avec elle. Il n’avait pas le droit. Il releva les yeux lorsqu’elle s’adressa finalement à lui. Elle voulait aborder un problème à la fois. Il hocha doucement la tête. Il était d’accord. Elle lui avoua ne pas vouloir d’enfants. Il fronça les sourcils. C’était un mensonge. Il avait beau ne pas avoir de pouvoir, il avait assez de flair pour savoir lorsqu’elle lui mentait. Il savait qu’elle se croyait assez forte pour faire des sacrifices. Il ne voulait pas qu’elle en fasse, il ne voulait pas être un obstacle dans sa vie. Il secoua la tête, elle avait envi d’avoir des enfants. Il avait vu parfois comment elle le regardait lorsqu’ils voyaient une de ses mamans heureuses avec leurs bambins. Lui, il s’en voulait terriblement, parce qu’un jour viendrait où il devrait lui faire comprendre qu’il était hors de question qu’ils aient d’enfants.

« Ne dit pas ça, c’est faux et tu le sais très bien. Avoir un enfant, c’est le plus beau cadeau que l’on peut recevoir, tu n’as pas à t’en priver parce que moi, ça a été le moment le plus difficile de toute ma vie. Je ne crois pas être assez fort pour aimer un enfant comme je l’ai déjà fait. » dit-t-il sèchement.

Elle devait comprendre, comprendre la teneur de ses propos. Jamais elle n’aurait d’enfant de lui.

« Deux: Si tu me connais si bien tu sais que je suis indépendante. Si je veux voyager, je peux le faire sans toi.»

Il n’ajouta rien, c’était davantage pour imager leur relation, elle aurait envie de faire des choses que lui ne voudrait pas faire. Il pouvait évidemment faire des concessions, il se rendait compte qu’il n’était pas encré dans son appartement, mais il restait qu’il y aurait énormément de choses qu’il l’empêcherait probablement de faire.

«Trois: Ton passé, ta femme, ton job, ta fille m'ont jamais dérangé. Tu as 42 ans! Ça vient avec l'homme. Je suis prête à faire des compromis dans tout ça. La question c'est est-ce que TOI tu es prêt à en faire?»

Il baissa la tête sans toutefois quitter son regard. Il ne répondit pas. Il se demandait justement jusqu’où pouvaient aller ses compromis, qu’est-ce qu’il était capable d’accepter ? Il avait lui-même de la difficulté à le savoir. Il avala difficilement lorsqu’elle énonça toutes ses vérités. Si elle croyait qu’il ne savait pas, elle se trompait. Et puis, qu’est-ce que cela voulait dire « trop policier » Elle termina en disant qu’il manquait de courage, et si cela le blessa un peu, il devait avouer qu’elle avait entièrement raison. Il ne savait pas exactement où aller avec tout ça. Elle termina en disant qu’elle l’aimait, malgré tous ses défauts. Il eu un mince sourire. Vu comme ça, il en avait tout un tas.

« Oui et je ne sais pas comment tu fais. »

Il savait qu’elle était malheureuse et en colère en ce moment. Sans prévenir, il sortit de la cuisine. Il fit quelques pas dans l’appartement qu’il occupait sans réellement savoir ce qu’il voulait ou devait faire. Il prit une grande inspiration puis revint au cotés de Léocardie.

« Oui, j’ai demandé à voir, mais ça ne change rien, j’ai toujours su que tu étais différente et ça ne m’empêche pas de t’aimer. C’était idiot de dire ça. Je … je crois que je vais te rendre malheureuse Léo. » dit-t-il tout en sentant une affreuse douleur à la poitrine.

« Regarde toi … Je ne veux pas être celui qui te fait pleurer, qui te met en colère. il ferma les yeux et dit finalement ce qu’il n’avait pas du tout envi de dire.

« On devrait arrêter de se voir Léo, définitivement. » dit-t-il d’une voix basse.

Voilà, c’était dit. Ce n’était pas ce qu’il voulait, il savait que ce n’était pas ce qu’elle voulait. Elle avait raison, il n’était qu’un lâche qui l’avait déjà beaucoup trop fait souffrir. Ses traits étaient tirés, son regard fatigué, si il ne démontrait pas sa tristesse et sa lassitude de la même façon qu’elle, il l’était également. Après tout, il n’était amoureux de personne d’autre que de la jeune femme en face de lui. Alors pourquoi la repousser ? Parce que c’était plus facile comme ça.