La beauté est la seule vengeance des femmes.

Les derniers jours s’étaient avérés un peu mouvementés. Peu de repos, beaucoup de sonneries de téléphone et des instructions données par Nate à suivre à la lettre. Mon voyage improvisé à Paris ne s’était pas nécessairement passé comme je l’aurais cru au départ – avais-je du moins eu une idée quelconque de ce qui allait se passer? – et m’avait créé quelques problèmes ici et là. Rien d’assez grave pour ne pas être réglé par mon cher publiciste qui semblait complètement désespéré de moi. Et il ne devait pas être le seul, j’avais ce don pour décevoir tout le monde seulement en essayant de vivre une vie comme je devais le faire. Quand je décevais quelqu’un, je rendais heureux un tas de journalistes et nourrissait les ragots à souhait. Je n’étais pas aveugle. La majorité des gens me détestaient et on aimait me détester. Ou faire semblant de m’apprécier. Le plaisir de plusieurs était même de me voir tomber encore plus bas. Avec la journée complète enfermée dans ma chambre d’hôtel puis, deux jours dans le manoir Wayne à mon retour, j’avais commencé à réaliser que finalement, ce n’était peut-être pas à moi de faciliter la tâche à ces gens qui suivaient le moindre de mes pas pour rire encore un peu plus de cette irresponsable de Cecilia Wayne.

Les deux derniers jours en ville m’avaient suffisamment donné le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment dans la vie. Non, je n’étais pas venue à me poser un tas de questions existentielles, simplement que j’étais restée à traîner ici et là chez moi, profitant du soleil à partir de ma terrasse, appréciant le repos. Ne pas me soucier de ce que j’allais mettre pour une soirée, ne pas faire toutes les boutiques possibles et me fâcher contre une vendeuse, simplement… respirer. C’était étrange, un peu dépaysant et mes seuls moments de social se résumaient à Nate qui passait quelques fois me mettre au courant de ce qu’il faisait pour calmer les paparazzis et j’espérais, au fond, pour aussi s’informer de comment je me sentais. Se soucier de moi. C’était peut-être trop demander. J’avais ce sentiment au fond que j’étais enfermée dans mon domicile, mais en même temps, je ne détestais pas l’idée. J’étais sortie courir sur les toits de Gotham un peu la nuit, faire un peu d’exercice et sinon, je m’étais penchée sur quelques croquis ici et là de robes comme j’aimais parfois le faire. Une petite coupe de champagne comme seul compagnon. Étrangement, j’avais apprécié. Par chance que justement, j’étais seule. Sinon, quelqu’un aurait pu croire que je n’étais pas dans mon état normal. Elias n’aurait peut-être rien dit, il savait que je n’étais pas toujours la petite écervelée qui ressortait ivre des soirées les plus huppées du continent.

Deux jours, ça peut être long. Quand j’ai compris qu’on allait un peu me lâcher les semelles, j’ai attrapé le combiné, contacté mon cher coiffeur qui était des plus heureux d’entendre ma voix, comme toujours. J’appréciais Marco. C’était un ange et certainement le meilleur coiffeur homosexuel que l’on pouvait trouver sur la planète. Il me connaissait par cœur côté look et beauté, savait que j’aimais ou non. Aimait papoter avec moi, sans aller dans des détails qui pourraient m’énerver. Il savait quelles questions il pouvait se permettre de poser et celles qu’il devait garder pour lui. Il ne croyait pas à tous les ragots et il lui était même déjà arrivé d’attaquer un paparazzi qui s’était infiltré dans le salon de beauté pour s’approcher de moi. Le pauvre homme, je ne l’ai plus jamais revu et mon cher Marco s’était avéré très heureux de son exploit, ce dont nous continuions de parler dès que l’on avait la chance. Il les qualifiait de bestioles et ça me redonnait toujours le sourire. Sincèrement, aller à ce salon me remontait toujours le moral.

Lorsque je mis les pieds dans le grand salon de luxe où seul ceux ayant les moyens pouvaient se permettre une petite visite, je fus aussitôt accueillie par Marco, un peigne dans les mains qui s’approchait vers moi, les bras grands ouverts. « La mia bella Cecilia! Come vai, principessa? » Je rigolais, le serrais contre moi, appréciant le fait de connaître l’italien. Ou peu importe, j’aurais fini par savoir la signification de cette phrase par cœur tellement il me la répétait. Avec Marco, ce n’était jamais que l’anglais au rendez-vous. Quelques phrases italiennes ou même françaises venaient parsemer les conversations ici et là.

CECILIA – Sono molto biene, Marco.
MARCO – Perfetto ! Tu peux allez t’installer, chérie, je reviens tout de suite.

Je rigolais, posait mon sac à main à l’endroit où je m’assoyais toujours puis regardais autour de moi. Avant de m’installer sur ma chaise, je remarquais la bouille d’une personne que je connaissais très bien non loin. Je repris mon sac, m’assis à la place à côté de la sienne et un sourire aux lèvres, je dis en me regardant dans le miroir :

CECILIA – La vie à Gotham sans moi devait être triste, non?

LORENZA — Oui oui c’est ça ….. Arrange toi tout seul c’est tout. ….. Quoi ? …. Oh désolé je t’attends plus. ….. Je raccroche.

J’ignorai les regards moqueurs autour de moi qui fixait ma façon étrange d’éloigner mon blackberry de ma bouche pour tenter de faire croire à mon agent qu’il y a avait des problèmes d’interférence. Comme si il pouvait vraiment en avoir ici tellement on était à la pointe de la technologie. C’était plus le genre de truc qui arrive dans les bleds pourries où les familles ont onze enfants parce que les valeurs familials ont de l’importance. J’avoue que j’en faisais voir de toutes les couleurs à Ted depuis un moment. Les journaux à scandale s’agrippaient à moi de toutes les manières justes pour faire un peu d’argent. C’était d’un pathétique que je ne m’autorisais même plus à y penser. Après tout, je ne pouvais pas vraiment leur en vouloir. J’étais la seule distraction de la ville depuis que Cecilia était partie faire la fête en France. Une idée génialissime que j’aurai dû avoir parce qu’on se mourrait par ici ces derniers temps. Je balançai mon téléphone dans mon Chloé et tenta d’esquiver les gens pour arriver à temps à mon rendez-vous. Autant j’adorais arriver en retard à des fêtes pour faire une entrée remarquer autant je trouvais que c’était d’une impolitesse rare de ne pas être ponctuelle quand quelqu’un m’attend. Je poussai finalement la grande porte vitré du luxueux salon de coiffure prenant soin de ne pas me prendre les pieds dans le tapis avec mes talons beaucoup trop fin pour une telle surface. Vive la mode et leur idée très peu ingénieuse pour le quotidien.

ANTOINE — Le dernier Chloé ? Mais quelle salope !
LORENZA — Si c’est comme ça, tu ne l’auras pas.

Je fis immédiatement la bise à mon coiffeur qui m’accueillait personnellement comme toujours. Geste que j’étais apparemment la seule à recevoir selon ces dires. Il devait aimer mes cadeaux de noël. J’étais de nature très généreuse avec l’argent de mon père. Il me laissa aller m’installer dans le coin VIP où je pris place comme si j’étais dans mon appartement pendant qu’il allait me chercher le thé aux framboises que je prenais toujours. Je venais probablement trop souvent pour qu’on connaisse aussi bien mes gouts et mes envies avant même que je dise quoique ce soit. Une fois la tasse fumante déposé dans mes mains, j’y trempai mes lèvres pour savourer les saveurs de mon enfance. C’était la seule boisson ou presque que ma mère s’autorisait à boire et elle en faisait toujours livrer des quantités folles pour que ma sœur et moi puisse jouer à servir le thé. Trop occupé par les souvenirs qui me tournaient en boucle dans la tête, je sursautai lorsqu’une voix inattendue résonna dans mes oreilles.

CECILIA — La vie à Gotham sans moi devait être triste, non?
LORENZA — J’avoue que dévaliser Barney’s et emmerder les vendeuses est vraiment moins drôle sans toi. Tu as le don pour les faire courir dans tout le magasin.

Je la pris chaleureusement dans mes bras puis l’admira. Elle était superbe comme toujours et son incroyable minceur me rendit immédiatement jalouse. Je m’imaginai déjà torturer les pauvres employés et avoir enfin une accompagnatrice de fête digne de ce nom. Maëlle avait beau être adorable, ses envies casanières et ses règles me rendaient folle.

LORENZA – J’avoue que dévaliser Barney’s et emmerder les vendeuses est vraiment moins drôle sans toi. Tu as le don pour les faire courir dans tout le magasin.

Il était vrai que j’étais reconnue pour avoir ce talent de faire fuir les nouvelles vendeuses de chez Barney’s. Ce n’était pas ma faute si je détestais être servie par des gens qui ne prenaient ni leur boulot au sérieux et qui n’avait aucunes connaissances potentielles. Je n’avais pas de temps à perdre à écouter des femmes trop heureuses à l’idée de pouvoir me parler et avec certainement avec l’espoir que nous finirions par devenir de très bonnes copines. Sérieusement? Ce n’était pas parce que tu me vends des chaussures hors de prix que nous allons automatiquement sortir un soir et faire la fête ensemble. Encore moins si elle continuait de porter des souliers datant d’il y a cinq ans et qui n’étaient tout simplement plus à la mode. Évidemment, il m’arrivait de ne pas détester tout le monde. En gros, j’appréciais celles qui comprenaient comment agir avec moi. Pourtant, ce n’était pas si complexe! Étrangement, il était rare que je revoie deux fois la même vendeuse, lorsque j’y retournais. Je rigolais, serrais mon amie dans mes bras et retourna ma soir, la regardant de la tête aux pieds. J’avais sérieusement besoin d’une séance d’UV à côté d’elle.

CECILIA – Oh, je sais, c’est un art de savoir comment les faire ressembler à des poules sans tête dans le magasin. Ça met un peu plus d’action lors des achats. Je devrais mettre ça dans mes talents cachés non? En plus d’être capable de les faire disparaitre. Dire que Barney’s engage des jeunes écervelées qui n’y connaissent rien et qui essayent de conseiller des gens tandis qu’elles auraient besoin d’un bon relooking de leur côté! Dis, la petite rouquine aux souliers affreux est encore là?

Je reportais mon regard sur mon reflet dans le miroir devant moi, remarquant les défauts de ma peau que j’avais essayé de cacher. C’était terrible, j’avais vraiment besoin d’une journée complète de séance beauté pour me remettre sur pieds… et sur la carte des célibataires en recherche d’amusement. Je soupirais. Mais c’était quoi, ces poches horribles sous mes yeux? Moi qui avais cru que les derniers jours au manoir m’auraient été bénéfiques… je m’étais drôlement trompée. Je regardais mes cheveux, tira sur la pointe, me demandant ce que je ferais de tout ça.

CECILIA – Je crois que je vais demander à Marco de travailler sur ma coloration et sur mon volume. J’ai envie de changement. Tu en dis quoi?

Il était vrai que j’avais besoin de changement et non seulement au niveau de mes cheveux. J’avais l’impression que ma vie complète nécessitait désormais des modifications, que de nouvelles choses pourraient me faire du bien. J’avais l’impression d’être perdue, que je ne savais plus quoi faire de l’heure qui suivait, du lendemain. Que je manquais parfois de motivation, encore plus depuis mon retour de Paris, où je m’étais permis de faire des folies. Permis, c’était un drôle de mot, vu la quantité d’alcool que j’avais eu dans le corps durant mon séjour. J’ai paniqué, je suis partie. J’avais laissé Eden loin derrière et j’avais essayé d’ignorer les pensées que j’avais concernant Nate, essayant de le ranger aussi loin qu’Eden, dans mon esprit. Pathétique.

CECILIA – Alors dis moi. J’ai manqué quelque chose d’intéressant ici? Disons que j’étais coupée des nouvelles provenant de Gotham, à Paris.